Morsi et l'illusion de la victoire
Chronique politique du vendredi matin des Matins Luxe sur Luxe Radio
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Morsi, président légitime d’Egypte, surfant sur les bénéfices de sa médiation entre Israël et le Hamas, a fait son premier faux-pas, qui risque de ne pas être le dernier. S’octroyant plus que les pleins pouvoirs, puisqu’il y ajoutait le juridique, il soude pour un temps l’opposition, dans un bras de fer qu’il perd. L’armée est appelée à la rescousse et le décret incriminé retiré. Deux erreurs qui illustrent la méthode de prise de pouvoir des Frères musulmans.
Reprenant la main, le Président égyptien bouscule tout le monde, en précipitant l’adoption d’une nouvelle constitution, rédigée dans la hâte. Les résultats officiels du référendum constitutionnel ont donc été annoncés. 64% de Oui, mais une participation estimée pour l’heure à 30%. En clair, un égyptien sur cinq a voté en faveur du texte proposé par la coalition, Frères musulmans et Salafistes. 75% la rejettent ou l’ignore. C’est un problème, lorsqu’une constitution doit souder un peuple, autour d’un texte qui se veut fondateur. Les égyptiens ont voté et la majorité s’est prononcée. Mais la démocratie n’est pas simplement un problème d’arithmétique.
Oublions les fraudes qui entachent ce référendum, oublions les pratiques qui rappellent les dérives passées de l’ère Moubarak, et ne retenons que les règles élémentaires de la démocratie. Elles ont toutes étaient violées, par le non respect des droits des minorités et l’intérêt du plus grand nombre. La démocratie est l’aboutissement d’un long processus et non un instrument de prise de pouvoir.
Que dit l’opposant charismatique égyptien, Mohamed El Baradei ? « la nouvelle constitution égyptienne est intrinsèquement illégitime. » Sans aller jusque là , on peut légitimement s’interroger sur l’universalité de la nouvelle constitution, pour la majorité des égyptiens. Aujourd’hui, dans l’attente d’une opposition structurée, il n’existe que deux institutions organisées, les Frères musulmans et l’armée. Morsi a neutralisé les vieux généraux en leur garantissant leurs prébendes économiques. De jeunes officiers ont pris la relève. Morsi et les Frères ne doivent pas perde de vue que parmi ces jeunes officiers, conscients de leur pouvoir, se cache peut-être un autre Nasser, garant de l’ordre public. Deux pas en avant, un pas en arrière, est un jeu dangereux qui n’a abouti qu’à accentuer les clivages et peut-être à faire naître une opposition enfin regroupée et organisée.
Le paradoxe est qu’au moment où le président Morsi divise le pays, les chancelleries occidentales n’ont pas suffisamment de mots pour saluer la
gouvernance du nouveau chef islamiste, du pays arabe le plus peuplé. Allons-nous assister de nouveau à un impardonnable aveuglement de l’Occident, Etats-Unis en tête, qui va sacrifier un peuple et son droit à la démocratie, sur l’autel de la stabilité régionale ?
Cela ne vous rappelle rien ?