Vendredi, voici ma chronique politique hebdomadaire

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 Il y aura le rêve africain, comme il y a eu le rêve américain et aujourd’hui, le rêve chinois. L’Afrique, tous les économistes sont d’accords pour la classer « continent d’avenir ». Mais pour cela, il faut que les Africains résolvent certains problèmes fondamentaux qui freinent le développement des États africains.

 L’Afrique a plusieurs tabous, dont celui des frontières. Il est malséant d’en parler, comme de parler d’une corde dans la maison d’un pendu. Et pourtant, le Larousse insiste sur les frontières comme un des éléments qui déterminent un pays, une Nationun État souverain est vu comme délimité par des frontières territoriales établies, à l'intérieur desquelles ses lois s’appliquent à une population permanente.

 Certains pays en Afrique n’ont vu le jour qu’à la fin des colonisations européennes. Le découpage artificiel des pays, des frontières fixées arbitrairement, souvent à la règle, ont fait fi du respect dû aux peuples, aux ethnies, à l’Histoire. Si sage qu’a été la décision de l’OUA sur l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et entérinées par l’ONU, il n’en demeure pas moins vrai que certains peuples  continuent  à en souffrir.  La mémoire collective est là pour le rappeler aux gouvernants successifs. Les frontières artificielles auront été un cadeau empoisonné qui a contribué au retard pris dans le développement de l’Afrique.

 Ce développement passe par la mise en cause tôt ou tard, de ces frontières léguées par la colonisation.Au moment des indépendances africaines, il a été décidé de ne pas remettre en cause les frontières. Cinquante cinq ans après, que peut-on dire de l’intangibilité des frontières africaines ? Ces frontières ont dans bien des cas, fait fi des réalités ethniques, linguistiques, religieuses et politiques des peuples africains.

 La négligence et la volonté d’ignorer ce substrat géographique et les divisions socio-politiques traditionnelles engendrèrent une série de difficultés que les commissaires d’abornement furent les premiers à relever. Ils tenaient compte parfois des limites naturelles infranchissables, mais ont également tracé des lignes droites sur l’inconnu et les ont appelé frontières. Lord Salisbury, lui-même un des grands « partageurs du gâteau » africain déclarait alors : « Nous avons entrepris de tracer sur les cartes des régions où l’homme blanc n’avait jamais mis le pied. Nous nous sommes distribués des montagnes, des rivières et des lacs, à peine gênés par cette petite difficulté que nous ne savions jamais exactement où se trouvaient ces montagnes, ces rivières, ou ces lacs »

 Les frontières ainsi tracées ont divisé des groupes consanguins et provoqué, après l’indépendance, des guerres inutiles et des génocides, les équilibres ethniques étant rompus.

  Pour dénoncer ce partage préjudiciable à la viabilité durable des Etats, les dirigeants africains, favorables à la remise en cause des frontières, réunis au sein du « Groupe de Casablanca » voulaient une refonte des frontières africaines en 1963.

D’autres dirigeants, à l’inverse, souhaitaient le maintien du tracé hérité de la colonisation. Pour ce second groupe de dirigeants, appelé « Groupe de Monrovia », le statu quo territorial avait comme objectif la stabilité des frontières coloniales, permettant de sécuriser les confins des Etats africains nouvellement indépendants. 

  C’est dans ce contexte de forte controverse au sujet des frontières des Etats africains, que la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) réunie au Caire, opta en faveur du « principe de l’intangibilité » des frontières en Afrique, le 21 juillet 1964. L’enjeu étant d’empêcher les conflits dus aux remises en cause de frontières et de stabiliser les édifices étatiques hérités de la colonisation.

  55 ans après l’intangibilité des frontières africaines, quel bilan peut-on établir ? Les problèmes de frontières en Afrique, constituent toujours une source persistante de conflits.  Comment parvenir à les surmonter ?  On peut envisager la constitution d’ensembles économiques, allant éventuellement jusqu’à la création d’États fédérés.

  Cette poussée vers l’unité africaine qui est déjà une base politique du continent africain, est la meilleure réponse que l’Afrique peut donner aux séquelles de l’ancien colonialisme. C’est la seule réponse au risque de retomber dans un système néocolonialiste, un système de domination extérieure, directe ou cachée. Les candidats ne manquent pas : la France qui considère une partie de l’Afrique comme son pré-carré, les Etats-Unis, la Chine qui développe actuellement une véritable mainmise sur les richesses de l’Afrique.