En janvier de cette année, le Brent était à 107,78 le baril. Onze mois après, le prix du Brent est tombé à 80 dollars. On est loin des 180 dollars que beaucoup d’experts attendaient pour 2014/2015. ll se pourrait bien que la tendance se confirme et s’amplifie. On pourrait revenir durablement à un baril à 75 dollars et moins, loin des 110 0 120 dollars de ces dernières années. La mauvaise conjoncture internationale et la faible demande peuvent à priori expliquer cette baisse rapide du prix du Brent. Mais la faiblesse de la demande et une abondance de pétrole n’expliquent pas tout. L’OPEP nous avait démontré dans le passé qu’elle avait les moyens de maintenir les prix tout simplement en baissant la production. Or on assiste au contraire, à une ouverture encore plus grande des vannes, particulièrement chez le premier producteur mondial, l’Arabie Saoudite.
Assistons nous à un début de grandes manœuvres contre la révolution du schiste ? Il est vrais que les responsables saoudiens s’inquiètent des effets à long terme de la révolution du schiste, particulièrement aux Etats Unis. Avec leur indépendance énergétique retrouvée, ces derniers peuvent ambitionner de devenir les maîtres de l’énergie mondiale. La guerre des prix pétroliers n’arrange pas les budgets de pays comme la Russie, l’Algérie, le Venezuela, l’Irak ou encore l’Iran. Deux pays en délicatesse avec Washington posent le problème autrement. Téhéran a besoin d’un baril à 140 dollars pour équilibrer son budget. Moscou peine dès que le baril est en dessous de 100 dollars. Quand on connaît les liens étroits, pour ne pas dire plus, qui unissent les Saoudiens, principaux responsables de la chute des prix, aux américains, on doit regarder plus loin qu’un soubresaut du marché.
On est devant une volonté marquée de l’axe Riad-Washington de maintenir les prix bas pour gêner les autres producteurs, spécialement la Russie et l’Iran. La Russie est en « Paix tiède » avec l’Occident. Poutine reste sourd aux sollicitations de Washington à lever le pied en Ukraine. Avec l’Iran, on n’arrive pas à conclure les négociations relatives au nucléaire iranien. En réalité la chute programmée des prix du pétrole illustre une guerre par d’autres moyens.
Augmenter le désastre économique dont souffre l’Iran n’est pas le meilleur moyen d’assouplir la politique nucléaire de Téhéran. Si on ne donne
pas, dans les négociations en cours, une sortie honorable aux Mollahs, rien ne pourra se conclure, mêmes sous des sanctions accrues et une baisse des prix du pétrole.
Pour la Russie, les Occidentaux ont toujours un train de retard sur Poutine. Plan A, B, C et D, il connaît. Son ouverture vers la Chine montre qu’il a anticipée les réactions de Washington et Bruxelles. L’Union européenne fait preuve d’un véritable aveuglement face au problème posé par le gaz russe. Si les Etats Unis n’ont aucune dépendance énergétique à l’égard de la Russie, il en est autrement de l’Europe dont une majeure partie a ses besoins assurés à plus de 30% par Gazprom. Si Moscou venait à fermer le robinet du gaz, l’Europe pourrait connaître une rupture durable d’approvisionnement car il n’existe ni des volumes suffisants de GNL ni les installations nécessaires pour les réceptionner.
Mais l’arme du pétrole est à double tranchant. Elle risque de déstabiliser les régimes autoritaires assis sur la manne pétrolière dont ils ont besoin pour maintenir la paix sociale. En Europe, si cette baisse du prix du pétrole arrange un tant soit peu les budgets de certains pays, le phénomène a un effet pervers, en alimentant la baisse des prix il renforce les comportements déflationnistes et retarde la reprise de la production industrielle..
L’Europe chère à De Gaulle, de l’Atlantique à l’Oural, est en guerre avec l’Amérique de par la stratégie géopolitique de cette dernière. C’est une guerre sans merci, sans théâtre d’opérations, sans morts au champ d’honneur.