Chronique politique du vendredi matin des Matins Luxe sur Luxeradio
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La notion de pays émergent nous vient du monde de la finance qui parle en réalité de marchés émergents. Ce qualificatif s’applique aux pays qui connaissent un croissance rapide et présentent des possibilités d’investissements plus rentables que dans les pays riches. Si les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) dominent la diplomatie des pays émergents, il y a longtemps que la Russie et la Chine ne s’expriment plus dans cette catégorie. Parmi eux, les prétendants au statut de puissance globale sont nombreux mais il y a peu d’élus. On entend par puissance globale un Etat en phase ascensionnelle tant sur le plan économique, commercial, diplomatique que militaire.
La Russie, depuis l’implosion de l’URSS, a, petit à petit, repris sa place de grande puissance dans la
géopolitique mondiale, du fait surtout de ses capacités militaires et nucléaires. Avec une capacité de nuisance et quelques succès diplomatiques, elle est devenue un partenaire ou un adversaire incontournable. Quant à la Chine, c’est faire injure à ses performances économiques, ses réserves de changes et son activité à l’étranger que de la qualifier d’Etat émergent. Les experts de la Banque mondiale la considèrent comme un exemple saisissant de la capacité de toute une région à sortir de la pauvreté en une seule génération. Pour eux, la Chine est devenue le principal moteur de la réduction de la pauvreté à l’échelle mondiale.
L’unité et le poids des pays émergents restent limités. Pourtant l’ambition de peser sur la diplomatie internationale a été grande, jusqu’au coup d’arrêt brutal donné par le départ des investisseurs financiers, face à l’instabilité politique, la fragilité des économies et les retards pris dans les restructurations. Leur refus d’intervention extérieure au nom du principe régional et celui du souverainisme, souligne la superficialité de leur engagement au nom des droits de l’homme.
Après quelques velléités d’actions diplomatiques comme la tentative de médiation en Syrie en 2011, les pays émergents ont disparus des radars diplomatiques. Ils sont restés d’une absolue et étonnante discrétion depuis le début de la crise ukrainienne. Abstention pour la plupart, lors du vote à l’ONU de la résolution condamnant l’annexion de la Crimée et silence radio sur les sanctions, à l’égard de la Russie, préparées par les Occidentaux menés par les Etats Unis. Ils ne condamnent pas le coup de force de Moscou, pas plus qu’ils ne soutiennent Vladimir Poutine dans son bras de fer avec l’Occident.
Pourtant, il n’y a pas longtemps, en 2010, le Brésil et la Turquie s’étaient invités de manière spectaculaire dans le dossier du nucléaire iranien. En 2008 les BRICS s’opposaient à l’indépendance du Kosovo. En 2003 ils avaient protesté contre l’invasion américaine en Irak. Depuis, ces puissances montantes ont été absentes des grandes crises internationales. Seuls les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ont mené le bal avec des moyens appropriés pour une diplomatie globale. Après les illusions caressées par
un essor économique, avéré fragile, est venu le temps des réalités pour les pays dit émergents.
Avec le retour des vielles alliances et les tensions Est-Ouest, les diplomaties des pays émergents sont, aujourd’hui, marginalisées. A la lueur des derniers événements en Ukraine, il est indéniable que la gestion des crises reste l’apanage des Occidentaux et non des pays émergents. On ne peut que constater leur effacement diplomatique. Ils n’ont ni la possibilité ni la volonté politique d’envoyer des troupes à l’extérieur et de s’occuper des problèmes du monde. Comme quoi, on peut émerger économiquement, mais le statut de puissance globale demande beaucoup plus.