Chronique politique du vendredi matin des Matins Luxe sur Luxeradio
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On mesure la stabilité sociale et politique d’un pays par l’importance de sa classe moyenne. Son potentiel de développement, l’attractivité de son marché sont directement liés à l’importance de sa classe moyenne, la classe des consommateurs. Chaque gouvernement revendique une classe moyenne, souvent plus importante qu’elle n’est. Le discours politique majoritaire s’adresse toujours, en priorité, à cette classe.
La classe moyenne marocaine existe-elle, ou est-elle une vue de l’esprit ? Véritable Arlésienne de
l’opinion, elle trouve son inspiration dans un désir refoulé de normalité. Le Maroc, dans un souci de conformité aux conditions de développement, dans une ambition de stabilité et d’exemplarité, revendique une classe moyenne de plus de 16 millions. Les critères définissant la classe moyenne varient suivant les interlocuteurs. Mais il est admis dans les pays développés qu’elle se situe à un revenu moyen mensuel de 2000 euros, soit 20000 dirhams. Ce chiffre doit, dans les pays en voit de développement ou émergeants être pondéré par le cout de la vie. En réalité une classe moyenne regroupe des individus dont les revenus permettent l’épargne.
Il est certain qu’il est difficile de cerner cette notion de classe moyenne au Maroc, faute d’outils statistiques élaborés. Le Haut Commissariat au Plan s’est atelé à cette tâche et trouve que la classe moyenne regroupe 53% de la population, soit 16,3 millions d’individus dont 62,9% vivent en milieu urbain. Nous ne devons pas parler de la même classe moyenne. Si vraiment 53% de la population marocaine formait une classe moyenne, alors cette moyenne doit être bien basse. Lorsque l’on sait que 2% de la population trustent les 80% des richesses du pays, on peut émettre quelques doutes sur ces chiffres tellement optimistes. La faiblesse de notre secteur manufacturier ne plaide pas pour un développement dynamique de la classe moyenne. L’Histoire nous montre que le secteur manufacturier a joué et joue encore un rôle important pour y faire accéder le plus grand nombre.
La désindustrialisation et la montée d’une économie basée sur les services influent sur le niveau des rétributions et par conséquent sur le niveau de la classe moyenne, d’une classe moyenne dynamique, qui dépense et qui épargne. A perdre cela de vue, on se réveille avec une classe moyenne « pauvre ». Est-ce vraiment de cette classe dont nous rêvons ?
A la veille de chaque élection, on s’occupe de ces citoyens, considérant que la classe moyenne est la clé de tous les scrutins. En vérité, la vraie classe moyenne n’occupe pas, au Maroc, le milieu de la pyramide. Elle est beaucoup moins importante que ne le disent les statistiques. De par son profil elle se confond avec l’élite de laquelle elle n’entend pas être dissociée. La classe moyenne marocaine se présente comme un millefeuille et recouvre une catégorie sociale très hétérogène. Une classe moyenne se définit dans le cadre d’une distribution des revenus dans un pays donné. Les critères différent d’un pays à l’autre, en fonction du PIB par habitant.
Pour certains, la classe moyenne serait un leurre. La réalité est que la société marocaine à une partie de sa population pauvre ou très pauvre, une partie riche ou très riche, et entre les deux une petite frange qui serait l’amorce d’une vraie classe moyenne, mais elle est encore bien petite. Alors, au Maroc, la classe moyenne est-elle une utopie ou un vœu pieux ? Là est la question.