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Gabriel Banon, Politiquement Incorrect.
8 novembre 2013

Chine: Naissance d'un contre-pouvoir

Chronique politique du vendredi matin des Matins Luxe sur Luxeradio

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La Chine semble en avoir bel et bien fini avec ses « trente glorieuses ». La croissance fléchit, une frénésie d’investissement génère une montagne de dettes fantômes et la démographie menace la Chine de devenir « vieille avant d’être riche. » Le président Xi Jinping, le chantre du « rêve chinois » doit faire face à une situation dont les difficultés sont à la mesure du plus hybride des régimes communistes. Le mariage de l’idéologie marxiste avec la loi du marché tiraille le parti par les contradictions et les déséquilibres que comporte une telle économie.

 Les frondes se succèdent avec les nouvelles catégories de population. Les entrepreneurs du privé, jusqu’alors relativement dociles, manifestent aujourd’hui des signes de mécontentement, écartelés entre cooptation et corruption. La fusion d’un régime léniniste avec une économie de marché a fini par produire une situation de plus en plus incontrôlable. La liberté d’entreprendre demande des libertés que les nouvelles classes moyennes enrichies commencent à réclamer. C’est une véritable boite de Pandore que la Chine a ouvert et à laquelle elle doit faire face aujourd’hui.

 Ces nouveaux acteurs économiques, entrepreneurs privés, classe moyenne enrichie, sont en train

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de devenir une force de changement, posant un véritable défi à une aristocratie rouge mise à mal par les scandales. La fronde des patrons chinois, l’élite des entrepreneurs, n’est pas sans ironie. En effet, en bons marxistes, les dirigeants communistes avaient veillé à coopter cette classe émergeante, au sommet de l’appareil de l’Etat. Ceci s’ajoute à l’un des phénomènes politiques marquants de ces dernières années, la montée des « princes rouges », ces héritiers des pères fondateurs du régime ou de leurs compagnons d’armes.

 Mais Xi Jinping doit aussi se battre sur un nouveau front : les blogs auxquels il a déclaré la guerre. Redoutant que les graines d’une révolte ne commencent à germer sur la Toile, il mobilise le parti et la presse officielle pour porter la guerre de la propagande sur le terrain des nouveaux médias. Vouloir contrôler plus de cinq cent millions d’internautes et quelque trois cent millions de « microblogueurs », relève de Mission Impossible. Ces blogueurs sont devenus un forum où s’expriment : frustrations, colère et protestations contre les autorités.

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 Autre souci, la Presse chinoise n’hésite plus à se mobiliser contre des mesures administratives ou des actions de la police. Il y a quelques mois, treize quotidiens chinois ont joint leurs efforts pour publier un éditorial appelant à finir avec le système du Hukou, le passeport intérieur. Ils accusaient ce système de nourrir une discrimination quand à l’accès aux services publics, entre citadins et habitants des campagnes. Ce permis de résidence intérieure avait été introduit en Chine en 1958 pour lutter contre les mouvements de population provoqués par les écarts considérables  de niveau de vie entre ruraux et citadins. Depuis son ouverture économique, la Chine a vu une accélération de l’exode rural, le taux d’urbanisation passant de 17,8% à 45,7% en 2008. Tout récemment, en octobre dernier, on a assisté à une fronde inédite de la presse contre le régime chinois. Internautes et médias se sont mobilisés pour réclamer la libération d’un journaliste arrêté pour atteinte à la renommée d’une entreprise.

 Le quotidien populaire Xinkuaibao, basé à Canton, avec 1,1 million d’exemplaire par jour, a remis en cause l’opération de reprise en mains des médias, pilotée par le président Xi Jinping. Il a publié en première page une demande à la police de libérer l’un de ses reporters. Tout aussi rare, la rédaction de la presse a soutenu unanimement la publication et son journaliste. C’est la solidarité des autres titres de la presse qui a surpris. La très officielle Administration d’Etat de la Presse, de la publication, de la radio, du Film et de la Télévision, qui régule le secteur a été amenée à publier un communiqué par, lequel elle exprime « sa grande inquiétude »à l’égard de la détention du journaliste. Le Journal du Commerce de Shanghai n’hésite pas à écrire, je cite : «  Si les médias sont privés de leur pouvoir de contrôle, c’est comme si la société était embarquée dans une voiture roulant la nuit tous phares éteints » fin de citation.

 La boite de Pandore est aujourd’hui ouverte et le pouvoir chinois en place doit apprendre à vivre avec la naissance d’un véritable contre-pouvoir, les Médias.

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