Article paru dans Maroc-Hebdo.


obama-portraitIls ont été plus de deux millions d’Américains à avoir envahi le National Mall, réservé au public. C’est sur cette esplanade longue de trois kilomètres que les fans d’Obama et les autres ont suivi le discours d’investiture du 44e Président des Etats-Unis. Nombre d’entre eux ont traversé tout le pays pour vivre ce moment historique. Ils sont venus des quatre coins des Etats-Unis en train, en avion, en bus et parfois à bicyclette, prêts à tout pour faire partie de l’Histoire. Devant une foule entièrement acquise à l’Homme qui la fait rêver et espérer, Barak Hussein Obama a prêté serment. On peut regretter que cette foule n’ai pas été représentative du patchwork qu’est le peuple américain. Les blancs et les hispanistes étaient noyés dans une marée noire heureuse, qui ne boudait pas son plaisir d’être là. C’est avec excitation que l’Amérique attendait le premier discours du Président Obama, et c’est dans un silence impressionnant de deux millions de citoyens attentifs que cet orateur supérieur fit souffler le grand vent de l’histoire. Son discours évoqua bien sûr ce moment historique de l’arrivée au sommet du pouvoir américain d’un noir issu d’un père kenyan musulman. C’est lui qui insista personnellement que lors de sa prestation de serment ne soit pas occulté son second prénom musulman : Hussein. A-t-il voulu par là indiquer au monde arabe qu’il ne reniait pas ses origines ? Nous le saurons très rapidement.

En mettant de côté les envolées lyriques, inévitables dans des circonstances pareilles, Obama, dans son discours attendu par les Américains et par le monde entier, particulièrement le monde arabe, a dévoilé ses priorités et les grandes lignes de sa politique intérieure et extérieure. On est tenté de dire : rien de nouveau sous le soleil de Washington. Il faut vraiment lire entre les lignes pour entrevoir ce qui pourrait différencier l’action à l’étranger de l’administration Obama de celle de son prédécesseur. La défense des intérêts de l’Amérique est l’ossature de sa politique étrangère, et le changement de Président n’a pas changée leur nature.

Cependant, son propos a mis lourdement l’accent sur la crise économique et l’urgence d’y remédier. Il n’a nullement caché que c’est sa priorité entre toutes les autres priorités. Mais il a mentionné dans les problèmes immédiats «les violences au Moyen-Orient’ . Il est vrai que le drame que vit le territoire palestinien de Gaza interpelle et a bousculé un tant soit peu l’agenda du nouveau Président des Etats-Unis. Le monde attend beaucoup du successeur de Bush.L’EUROPE attend de Washington une plus grande coordination dans l’action à l’étranger et un véritable partenariat économique.  Les gouvernements de l’Union européenne veulent une action concertée dans les mesures à prendre face à la crise économique mondiale. Faut-il rappeler que partie des Etats-Unis, cette catastrophe financière et économique n’épargne aujourd’hui aucun pays développé ou non. Moscou veut une pause sur les sujets qui fâchent. L’IRAK et l’AFGHANISTAN vont faire l’objet d’une nouvelle stratégie d’après les différents discours d’Obama, alors Président élu. Obama s’est engagé à retirer la majeure partie de ses troupes pour les redéployer en Afghanistan. La guerre d’Afghanistan est perçue par Obama et l’opinion américaine, comme plus légitime. Elle est associée dans l’inconscient des américains aux attentats du 11 septembre 2001, une lutte contre les Talibans qui donnaient asile à Ben Laden. CUBA va certainement voir l’embargo contre son régime allégé. Obama aura à cœur de mettre fin à un demi-siècle d’hostilités avec le régime castriste. Si elle est naturelle et prévisible, la normalisation des relations bilatérales, souhaitée aujourd’hui par la plupart des intervenants, prendra cependant un temps. L’IRAN peut nous réserver des surprises avec un Obama plus rigide qu’il ne paraît dans ses propos. S’il est prêt à rompre avec la politique de Bush concernant le dialogue avec les Ayatollahs, il reste opposé fermement à l’atome militaire iranien. Il exige l’arrêt de l’enrichissement de l’uranium, avant tout rapprochement avec l’Iran. Mais le gel diplomatique entre les deux pays qui dure voilà bientôt trente ans va plus ou moins rapidement être brisé. Mais, prudent, le nouveau Président américain attendra les prochaines élections présidentielles iraniennes, pour prendre éventuellement l’initiative en la matière.obama_campagne

N’a-t-il pas déclaré : «  je n’ai aucun intérêt à m’asseoir avec nos adversaires s’il ne s’agit que de discuter. Mais en tant que Président des Etats-Unis, j’adopterai une diplomatie ferme et fondée sur des principes avec le dirigeant iranien compétent au moment et à l’endroit de mon choix, si et seulement si cela peut servir les intérêts des Etats-Unis’. L’AFRIQUE noire attend beaucoup de celui qu’elle considère comme son enfant. Elle va au-devant de désillusions prévisibles, car Obama n’a pas de baguette magique pour sortir de leur marasme endémique et leur instabilité politique, la plupart des Etats africains. Il pourra et voudra les aider, mais ils devront avant tout compter sur eux-mêmes. Certes, le Président des Etats-Unis voudra contenir puis réduire la pénétration de la Chine dans ce continent. La stratégie de « l’Empire du Milieu » s’est avérée payante : action économique et financière puissante, sans ingérence dans le politique, quel que soit le régime, son honnêteté ou sa moralité. Obama va-t-il par pragmatisme renoncer aux principes si chers de Washington.

Le MAROC, puisque l’on parle de l’Afrique, bénéficie d’une attention particulière et d’une estime certaine de la part du nouveau Président. Effet de l’Histoire ? Le Maroc ayant été le premier pays du monde à reconnaître la toute jeune et nouvelle république : les Etats-Unis d’Amérique. Jusqu’à son intronisation ce 20 janvier, Obama a toujours considéré que la proposition de Rabat pour résoudre la crise au Sahara marocain était la meilleure : une large autonomie pour cette région du Maroc. Il poursuivra l’ouverture avec la LIBYE et renforcera les liens avec l’EGYPTE. Le PAKISTAN va connaître des turbulences dans ses relations avec la nouvelle administration. Washington juge Islamabad trop laxiste dans sa lutte avec les islamistes dans les zones tribales frontalières de l’Afghanistan. Obama veut également régler la question du Cachemire. Pomme de discorde entre l’Inde et le Pakistan depuis plus de soixante ans, elle empêche, aux dires des Américains le Pakistan de se concentrer sur leur front occidental. Le MONDE ARABE rêve d’un Obama fidèle à ses racines et plus à l’écoute des pays musulmans que ne l’a été son prédécesseur. Le changement dans la politique extérieure américaine est ce qu’espère vivement le Monde Arabe. Il voit une alternative aux agressions commises par le républicain Georges W. Bush. Si changement il y avait, c’est dans les relations directes avec un pays comme la Syrie. Obama sera moins enclin à faire sienne l’équation simpliste et criminelle de certains responsables de l’administration sortante : musulman=islamiste=terroriste. Le pragmatisme prévaudra dans ses relations avec le Monde Arabe, mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’il sacrifie l’axe Le Caire-Riyadh sur l’autel d’une quelconque  problématique unité arabe. Obama ne veut pas adopter une attitude belliqueuse envers la Syrie qu’il ne faut pas isoler, dit-il. La voie du dialogue pourrait être ouverte assez rapidement. S’il préfère la diplomatie à l’action militaire, Barak Obama n’est pas prêt à révolutionner la politique poursuivie à ce jour par Georges W. Bush, mais s’attachera à arrondir les angles.

Dans son discours d’intronisation, il a promis d’engager le dialogue avec le monde musulman dans un esprit de respect. Obama va-t-il réussir à se concilier la rue arabe et partant consolider le pouvoir en place des amis des Etats-Unis ? C’est le douloureux problème du Moyen-Orient qui en sera le juge de paix. La crise israélo-palestinienne et plus encore la crise israël-Hamas se sont invitées brutalement aux festivités de Washington et se sont imposé comme un sujet prioritaire sur l’agenda déjà chargé du nouveau Président des Etats-Unis.

Par ses origines, par son passé (il a vécu dans le pays musulman le plus peuplé du monde), par son approche culturelle, le monde arabe juge qu’il y a du nouveau chez lui et qu’il peut apporter une nouvelle approche. Malgré la puissance du loby juif aux Etats-Unis (il y a différents lobys qui s’activent à Washington d’une façon tout à fait officielle) Obama peut, s’il le décide imposer aux Israéliens et aux Palestiniens une nouvelle approche pour faire la Paix et non faire perdurer un processus de paix moribond. C’est ce qu’il a laissé entendre par son commentaire : assez de guerres ! Avec l’équipée terrible de l’armée israélienne contre Gaza, de nouveaux rapports de force se sont dégagés. C’est sur la base de ces nouvelles données que le président Obama doit exhumer la Paix des décombres de la guerre. On peut être pro israélien, et dans leur intérêt bien compris leur expliquer que la pérennité et la sécurité d’Israël passent par la mise en place d’un Etat Palestinien. En mettant fin à cet abcès de fixation qu’est devenu le conflit israélo-palestinien, on retirera une infection qui corrompt les relations internationales. C’est ce que nombres de ses conseillers pensent. La démocratie, disait Montesquieu, est fondée sur la vertu. Obama en aura besoin, car il a hérité du poste le plus ingrat qu’il pût imaginer. Mais les Américains qui l’ont voulu, croient en son succès. Il porte le fardeau de l’espoir. Au-delà des vertus  et du désir, Obama aura-t-il assez de rigueur et d’endurance pour mener à bien toutes ces missions impossibles.


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Dans son discours au Congrès Barak Obama a affirmé vouloir « entrer dans l’ère de la responsabilité »,   il a rappelé que la crise actuelle »n’était pas un accident de l’histoire, mais bien le résultat de la profonde irresponsabilité des financiers de Wall Street et des responsables politiques qui les ont laissés agir. » C’est cette approche qui explique son ouverture à une action concertée avec les Européens dans la mise en place d’organismes de contrôle plus efficaces.

Dans son discours d’investiture, il s’est longuement attardé sur la situation économique du pays et de l’action prioritaire qu’il entendait mener. Il faut dire que la situation économique s’est fortement dégradée depuis l’élection d’Obama. Elle bouleverse les données du problème que la nouvelle administration doit résoudre. Plus d’un million d’emplois ont été supprimés depuis le 4 novembre. À fin décembre, le taux de chômage termine à 7,2%, du jamais vu. L’immobilier continu à se mal porter, les ventes de voitures s’effondrent. Wall Street a chuté de plus de 13% depuis l’élection du 4 novembre. Aussi le plan de relance est à l’échelle du problème, mais comporte des points noirs. C’est un véritable pari sur l’endettement public pour sortir l’Amérique de la récession que la nouvelle administration prend.  Le plan de 825 milliards de dollars  va faire exploser la dette à plus de 8% du PIB.

Le nouveau Président compte sur 275 milliards de dollars de réduction d’impôts pour relancer la consommation, l’embauche et l’investissement. En outre, il propose 550 milliards de dollars de dépenses publiques nouvelles, sur deux ans, pour lancer des projets d’infrastructure et secourir les Etats américains à court de ressources pour payer leurs dépenses publiques de santé et indemniser les chômeurs. Les démocrates assurent que 3 à 4 millions d’emplois seront sauvés ou créés par le plan de relance. Dans le plan d’aide aux banques, sont incluses l’aide à l’industrie de l’automobile et celle aux foyers surendettés  menacés de saisie de leur logement. Si les sommes engagées donnent le tournis, il n’est pas sûr qu’elles soient à la hauteur de la catastrophe économique que les Etats-Unis subissent présentement.