Article paru dans le magazine de l'association Initiative et Changement n°333 datant de septembre-octobre 2008.
Gabriel Banon, participant et intervenant au premier Forum pour la sécurité humaine, qui s’est tenu à Caux du 18 au 23 juillet dernier, nous livre ses réflexions sur les causes profondes de l’insécurité humaine et sur la manière d’y remédier.
Lutter en priorité contre la pauvreté
Economiste français d’origine marocaine, Gabriel Banon est conseiller spécial de plusieurs gouvernements africains, après avoir également conseillé le président français Georges Pompidou en ma-tière de politique industrielle. Après les Accords d’Oslo entre Israël et la Palestine, Yasser Arafat l’a nommé conseiller économique. Gabriel Banon est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment « La Paix de tous les dangers ».
Aujourd’hui on gère les conflits plutôt qu’on ne les prévient. Pour les arrêter, les limiter, ou les prévenir, diverses actions sont entreprises par la communauté internationale : embargo sur les armes, sanctions économiques, intervention des casques bleus... Mais on s’attaque malheureusement là aux effets et non aux causes de ces conflits.
Oui, il y a des origines ethniques, religieuses et politiques aux conflits, mais, à l’exception du con flit israélo-palesti-nien, tous les con flits ont une origine économique. Dans la mesure où une population vit en dessous du seuil de pauvreté, où une société civile n’existe pas, où il y a de grands écarts de richesse, il y a tous les ingrédients pour
arriver à un conflit armé. Les mesures de rétorsion vont lutter contre les conflits armés mais ne vont pas répondre aux besoins fondamentaux des populations et donc aux origines réelles du conflit.
« L’argent est le nerf de la guerre mais aussi celui de la paix. »
Que faire pour remédier aux conflits armés ? Pour reprendre une expression qui existe déjà : « L’argent est le nerf de la guerre mais aussi celui de la paix. » Les pays en voie de développement ont contribué et contribuent toujours à l’enrichissement des pays dits développés. Mais tandis que les pays riches deviennent de plus en plus riches, ces autres pays deviennent de plus en plus pauvres. Leur sécurité passe par une amélioration de leur situation économique. L’aide Nord-Sud a démontré son incapacité à répondre aux besoins. Les promesses de consacrer 0,7% du PIB n’ont pas été tenues. On intervient au coup par coup et souvent dans l’urgence. Ce qui est vrai au sein d’un pays doit l’être aussi au niveau mondial. A l’instar des pays scandinaves, il faudrait mettre en place une poli-tique de redistribution des richesses au niveau international.
« Oui, il y a des origines ethniques, religieuses et politiques aux conflits, mais, à l’exception du conflit israélo-palestinien, tous les conflits ont une origine économique. »
L’ONU doit pouvoir lever des impôts sur les Etats en faveur des pays pauvres. En remplaçant la recherche de dons par une fiscalité à l’échelle de la planète, l’ONU aura les moyens financiers pour intervenir directement dans les pays « en voie de développement », infrastructures, santé, éducation, lutte contre la faim, etc. Il ne s’agit plus d’organiser une aide, mais de redistribuer de façon équitable et en tenant compte des économies les plus faibles, dans un souci de justice sociale, une partie des richesses produites. L’économie a des règles universelles qu’on ne peut ignorer. Si on ne met pas en place des solutions courageuses et par certains aspects révolutionnaires, on assistera à la multiplication des conflits armés. Aucune réglementation n’arrivera à endiguer les flux migratoires. Les hommes et les femmes qui bravent tous les dangers pour entrer dans les pays développés ne le font pas pour vivre mieux mais pour survivre. Et contre l’instinct de survie, aucune réglementation ne tient. A la fin des travaux de cette session, je demande que soit lancée une déclaration appelant à la mobilisation d’un mouvement mondial et j’espère que dans les années à venir des gens diront que cette déclaration de Caux aura marqué une nouvelle étape.
Propos recueillis par Maud Glorieux